Le gouvernement de Teodoro Obiang Nguema a conclu un accord provisoire avec Starlink, l’entreprise de services internet par satellite d’Elon Musk, pour introduire ses services en Guinée équatoriale exclusivement au profit des entreprises du secteur pétrolier, en attendant l’avancée des négociations. C’est ce qu’a appris Diario Rombe auprès de sources proches de l’Office Régulateur des Télécommunications de Guinée équatoriale (ORTEL), l’entité gouvernementale chargée de superviser, réguler et contrôler le secteur des télécommunications et des technologies de l’information dans le pays.
Selon les autorités, cette décision « ne met pas en péril la sécurité de l’État », car ces entreprises opèrent sous une stricte supervision gouvernementale. Cependant, le régime utilise cet argument non seulement pour justifier l’exclusion des citoyens équatoguinéens, accusés d’être susceptibles d’utiliser Starlink pour « déstabiliser le pays », mais aussi pour générer des revenus. D’après des informations obtenues par Diario Rombe, l’ORTEL a imposé des conditions restrictives qui excluent la majorité de la population de l’accès à Starlink.
Les particuliers, quelle que soit leur position sociale, ainsi que les entreprises privées, ne pourront pas demander d’autorisation directement, du moins pour l’instant. Seules les entreprises fournissant des services internet, pour la plupart contrôlées par des membres de la famille du dictateur, seront autorisées à gérer les demandes et installations. De plus, tout utilisateur particulier souhaitant accéder à Starlink devra obtenir des autorisations préalables du ministère de la Sécurité nationale et du ministère des Transports, renforçant ainsi le contrôle absolu sur la connectivité.
Dirigé par Vicente Nze Elomba, frère de Leoncio Amada Nze Nlang et de Pamela Nze Eworo, enfants d’Agustín Nze Nfumu, l’un des principaux kleptocrates du régime, l’ORTEL ne fonctionne pas comme un régulateur indépendant promouvant la concurrence ou l’accès universel, mais comme un instrument répressif au service de la dictature. Bien que Starlink ait le potentiel de transformer les télécommunications en offrant un accès à haut débit dans les zones les plus reculées, son implémentation dans le pays reste entièrement subordonnée aux intérêts du régime. Avant le début des négociations, le ministère des Transports, des Télécommunications et des Systèmes d’intelligence artificielle, dirigé par Honorato Evita Oma, avait menacé de sanctionner Starlink, exigeant que sa technologie soit conforme aux directives de censure de l’État.
Cette narrative reflète la paranoïa du régime, qui redoute que l’accès libre à internet permette à la population de s’organiser, de dénoncer les abus du pouvoir et d’accéder à des informations non censurées. Alors que des pays voisins comme le Cameroun, le Gabon ou le Congo facilitent l’accès à Starlink grâce à des coûts abordables et des politiques moins restrictives, la Guinée équatoriale se distingue comme un cas unique de répression technologique. Les restrictions imposées illustrent non seulement une peur infondée, mais aussi une stratégie délibérée pour maintenir la population dans un isolement numérique.
L’isolement comme outil de contrôle
Alors que d’autres dictatures permettent un certain accès à Starlink pour améliorer leur image internationale ou soutenir des secteurs stratégiques, le régime d’Obiang utilise cette technologie exclusivement pour protéger ses propres intérêts. L’isolement informationnel devient un outil clé pour perpétuer la peur et la désinformation parmi la population, empêchant les citoyens d’accéder à des sources d’information alternatives ou de communiquer avec l’extérieur.
Honorato Evita Oma, ministre des Transports, des Télécommunications et des Systèmes d’intelligence artificielle, a été le principal architecte de ces restrictions. C’est lui qui a convaincu Teodorín Nguema Obiang de la nécessité de surveiller et de contrôler strictement l’utilisation de Starlink, veillant à ce que toute tentative de démocratiser l’accès à internet soit rapidement neutralisée. Plutôt que de permettre à Starlink de devenir un outil pour connecter les communautés rurales ou marginalisées, le régime préfère renforcer son contrôle sur les télécommunications, limitant ainsi tout flux d’information non approuvé par l’État.
Les tarifs prohibitifs
Contrairement à d’autres dictatures d’Afrique centrale comme le Cameroun, le Gabon ou même la République Démocratique du Congo, où Starlink fonctionne déjà sans restrictions, le régime d’Obiang impose des coûts et des restrictions conçus pour maintenir sa population isolée du reste du monde. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, le prix moyen du service Starlink avoisine 110-120 USD par mois, avec un coût initial des équipements d’environ 600 USD. Ces tarifs, bien que élevés pour le citoyen moyen, permettent à davantage de personnes et de communautés d’accéder à internet par satellite, atténuant ainsi la censure dans certaines zones rurales ou isolées.
En revanche, en Guinée équatoriale, l’ORTEL a provisoirement limité l’accès à deux catégories d’utilisateurs : les entreprises du secteur pétrolier et les services essentiels classés comme « infrastructures stratégiques ». Les tarifs imposés sont inaccessibles pour la majorité de la population : 10 millions FCFA (environ 16 000 USD) comme frais d’autorisation initiale, 10 % du coût total annuel en tant que frais de maintenance, 2 millions FCFA par mois (environ 3 200 USD) comme redevance pour l’utilisation des stations, ainsi que d’autres frais supplémentaires pour l’évaluation des dossiers et la supervision.
Ces tarifs non seulement rendent le service inaccessible pour la majorité des Équato-guinéens, mais garantissent également que seules les entreprises pétrolières et les élites liées au régime aient accès à cette technologie. Ce système ne vise pas à promouvoir l’accès universel à internet, mais à assurer que l’information et la connectivité restent sous le contrôle total de la dictature.
L’ORTEL a recommandé que, tant que Starlink n’obtienne pas d’autorisation officielle, son utilisation soit strictement limitée au secteur pétrolier. Cela confirme que le régime cherche à maintenir l’accès réservé à une élite privilégiée et à continuer de monopoliser le contrôle des communications. Cette politique d’isolement ne marginalise pas seulement la Guinée équatoriale du progrès technologique, mais elle creuse également le fossé numérique et culturel avec le reste du monde. Les pays voisins, également sous des régimes répressifs, reconnaissent au moins le potentiel économique et social d’un accès plus large à internet. En revanche, la stratégie du régime d’Obiang privilégie sa survie politique au détriment de tout développement, laissant sa population piégée dans un état de déconnexion délibérée.